Non à l’allégation « Neutralité CO2 » du transport aérien !


« A partir du 27 mars 2022, Luxair a acquis des crédits-carbone pour compenser les émissions de CO2 des vols de ses passagers en classe affaires et des vols de ses forfaits LuxairTours Excellence, leur permettant ainsi de contribuer à des vols plus neutres en carbone. Cette compensation prendra la forme d'une contribution de Luxair à des projets certifiés visant à développer la gestion durable des forêts, les énergies renouvelables et à améliorer les conditions de vie des communautés locales1. »

Dans la foulée d’une plainte collective du BEUC2  pour ‘greenwashing’ au niveau européen contre 17 compagnies aériennes concernant des allégations similaires, l’ULC a adressé un courrier à Luxair, lui demandant d'adapter sa communication.  L’affirmation que les crédits-carbone « permettent de contribuer à des vols plus neutres en carbone » n’est pas prouvée. Elle est trompeuse pour le voyageur en ce qu’elle omet de l’informer que les crédits-carbone ne rendent pas les vols « plus verts », et constitue ainsi une violation du Code de la consommation.  En recherchant les vols pour une destination et une date déterminées, l’attention du consommateur est attirée par le logo « CO2 neutral » qui accompagne l’offre de la classe business. Pour l’instant, aucune explication ni aucun lien ne sont fournis de sorte que le consommateur est amené à croire qu’en optant pour un billet business son vol personnel sera « neutre en carbone ». Or, il incombe au professionnel de compléter toute allégation par « des spécifications bien apparentes ou par des exposés explicatifs sur l’impact environnemental du produit, limitant par exemple l’allégation relative à certains avantages environnementaux spécifiques3.». Si le consommateur prend le soin de rechercher lui-même des explications,il lira : « Grâce au calculateur de CO2 de Luxair, vous pouvez facilement vérifier la quantité de CO2 générée par votre vol Luxair. En effet, le calculateur affiche les émissions et la consommation de carburant pour toutes les destinations par type d’avion et par passager ». L’essentiel de la communication de Luxair comme des autres compagnies aériennes, reste selon nous de rassurer le public sur l’impact écologique du transport aérien.

Dans Questions & Réponses sur les allégations écologiques, la Commission Européenne souligne : « Il a été démontré que les allégations liées au climat basées sur des compensations ou des crédits carbone sont particulièrement susceptibles de manquer de clarté, d'être ambigües et d'induire les consommateurs en erreur. Cela concerne notamment les allégations environnementales selon lesquelles les produits ou entités sont ‘neutres pour le climat’, ‘neutres en carbone’, avec ‘CO2 compensé à 100 %’ ou toute autre allégation similaire. Les entreprises devraient se concentrer sur la réduction des émissions au sein de leur propre organisation ou chaîne de valeur. Lorsqu'elles formulent des allégations liées au climat, les entreprises doivent faire preuve de transparence en dissociant la partie de l'allégation qui concerne leurs propres activités de la partie qui repose sur l'achat de compensations. » Pour le Parlement Européen, « Affirmer, sur la base de la compensation des émissions de carbone, qu’un produit a une incidence neutre, réduite, compensée ou positive sur l’environnement en matière d’émissions de gaz à effet de serre » doit être interdit.

La plainte européenne du BEUC, relayée par l’ULC, est basée sur une étude juridique qui analyse les failles des mesures de compensation CO2 : « …La ‘compensation’ est uniquement une notion comptable, sans effet sur les émissions causées. L’usage de crédits-carbone dans d’autres secteurs d’activités ne contribue pas à la décarbonisation du secteur de l’aviation.

La prémisse est que les bénéfices climatiques des crédits-carbone sont équivalents aux dommages causés par le transport aérien. Il incombe à l’entreprise de le prouver. Il a été démontré que les allégations de compensation ne sont pas supportées par des analyses scientifiques. Les bénéfices environnementaux d’activités de compensation sont bien moins évidents que les dommages causés par les émissions de CO2 de l’aviation.

Il en découle que l’on ne peut retenir une équivalence entre les deux4. » .

Suite à notre lettre, Luxair vient de prendre position par courrier daté du 4 août 2023, en nous assurant que son objectif principal est de sensibiliser ses clients sur l’impact écologique du transport aérien, raison pour laquelle ils ont développé des outils tels que le calculateur de CO2.

Bien que ne partageant pas notre analyse, Luxair affirme vouloir saisir l’opportunité de notre courrier pour « progresser davantage sur la voie de la transparence » et annonce quelques adaptations futures de sa communication dans le moteur de réservation Luxair. Si les adaptations telles que proposées ne rencontrent pas encore pleinement les revendications formulées par les associations de consommateurs, nous devons constater qu’il s’agit cependant d’un premier pas particulièrement encourageant dans le contexte actuel.

Nous nous félicitons qu’un dialogue constructif soit ainsi initié entre la compagnie aérienne luxembourgeoise et notre association sur ce thème de haute importance, et ne manquerons pas d’informer les consommateurs de l’évolution de ce dossier.


  1. www.luxair.lu/fr/CO2
  1. www.beuc.eu/press-releases/consumer-groups-launch-eu-wide-complaint-against-17-airlines-greenwashing
  1. Orientations de la Commission Européenne concernant l’interprétation et l’application de la directive 2005/29/CE
  2. Extrait en traduction de l’étude « The legality of climate-related marketing claims by the aviation sector under EU Directive 2005/19/EC ”