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Démoralisante inflation (07/08)

Démoralisante inflation
L’inflation pèse lourdement sur le moral des consommateurs. En effet, les consommateurs sont sévèrement pénalisés par la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Il n’est dès lors pas étonnant que les habitudes d’achat des consommateurs sont en train de changer, je prédis de façon durable. Passant outre la progression réelle des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, les consommateurs anticipent une diminution de leur pouvoir d’achat et réduisent leurs dépenses en conséquence. Malgré une croissance du produit intérieur brut (PIB), les indices de confiance qui reflètent les attentes de la consommation descendent. La baisse de moral est nette, d’ailleurs accentuée par l’avenir incertain des marchés financiers. En outre, une conséquente hausse des prix du gaz est prévue pour cet été. Bref, les consommateurs ne se sentent plus en sécurité, d’autant plus où on ne voit pas où tout cela va s’arrêter. Mauvaise nouvelle donc pour l’économie luxembourgeoise qui en raison de nombreuses importations et assez peu d’exportations doit pouvoir compter sur la consommation afin de maintenir la croissance. D’ailleurs, il suffit de se rendre dans l’un des nombreux supermarchés luxembourgeois pour pouvoir constater qu’en semaine du moins, deux ou trois caisses ouvertes suffisent souvent pour recevoir les clients dont les caddies sont en règle générale bien moins remplis qu’il y a deux ou trois ans. Ainsi, pour les grandes marques de produits alimentaires, la situation risque de devenir préoccupante alors que les producteurs en question ne cachent pas que leurs volumes de vente ont baissé. Les consommateurs privilégient de plus en plus les produits « maison » ou s’orientent carrément vers les « discounters ».
Dû au débat au sujet du pouvoir d’achat, le budget destiné à l’achat de vêtements par exemple a reculé en France à raison de 8 à 12 %. Il est difficile d’obtenir des chiffres concernant le volume des ventes au Luxembourg alors que les commerçants luxembourgeois sont, pour des raisons qui les regardent, récalcitrants à en fournir.
En ce qui concerne l’inflation, quelque constats de nature économique sont à faire : la flambée des prix à laquelle l’Europe assiste pour l’instant n’est pas due à une demande trop forte opposée à une offre insuffisante. Ce type d’inflation ne touche qu’un nombre limité de pays en développement accéléré, comme la Chine par exemple. D’aucuns affirment que l’inflation actuelle n’est pas due non plus à la mise en circulation d’une quantité d’argent trop conséquente au vu de l’économie réelle. Je ne partage ce constat qu’à moitié alors que les quantités de monnaie injectées par la Banque Centrale Européenne dans les circuits économiques depuis l’introduction de l’euro sont conséquentes. Il ne faut donc pas confondre crise de liquidité et crise de solvabilité. Pour l’instant, la BCE tente de retenir le crédit par des taux d’intérêt toujours plus élevés, qui d’ailleurs risquent de finir par ruiner un certain nombre de ménages.
Ce à quoi nous assistons est essentiellement une inflation occasionnée par les coûts. Celle-ci a pour originalité de coexister avec une croissance économique modeste. Voilà pourquoi on parle aussi de stagflation.
Le STATEC affirme que malgré l’inflation, le pouvoir d’achat des consommateurs luxembourgeois s’est amélioré. Une telle affirmation non accompagnée d’explications quant au mode de calcul n’est pas acceptable. En effet, l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des consommateurs est lié au résultat de la comparaison entre l’évolution des dépenses et l’évolution des recettes, sous le coup de l’inflation. Il est évident que pour chaque consommateur, cette évolution se présente d’une façon différente. Exemples : est-ce que le salaire est indexé ou non indexé ? Au Luxembourg, il est modulé pour l’instant. Pour un épargnant, l’impact sur son pouvoir d’achat sera négatif si les revenus du capital proviennent de produits d’épargne qui ne sont pas indexés sur l’inflation. A l’inverse, un consommateur qui a signé un emprunt à taux fixe est gagnant en temps d’inflation par rapport à un consommateur qui a emprunté à taux variable. Un ménage à revenu modeste dont plus de 50 % des recettes disponibles vont être décaissées pour l’alimentation ressentira beaucoup plus l’inflation qu’un ménage qui ne doit investir que 10 ou 20 % de ses revenus dans les denrées alimentaires.
Finalement, le Luxembourg doit importer plein de choses de l’étranger. Alors que les prix grimpent partout, l’inflation est importée. Le risque d’une régression vraiment dangereuse de la consommation est réel. Il reste à espérer qu’une sorte de consentement tacite sur les prix, donc leur acceptation qui forcément passe à travers une révision des marges bénéficiaires, va s’installer entre consommateurs et commerçants au Luxembourg. Il faut revendiquer aussi que les responsables des communes ne chauffent pas l’inflation par des prix et taxes démesurés. 

Guy GOEDERT 
Administrateur-Chargé de Direction

01/07/2008