Mise en œuvre du Règlement (UE) 2017/2394 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs


Avis préliminaire de l’ULC

Le nouveau Règlement sera applicable à partir du 17 janvier 2020.

Il incombera au législateur luxembourgeois de déterminer comment les nouveaux pouvoirs minima dont toutes les autorités nationales compétentes devront disposer, seront exercés.

En annexe, la liste des pouvoirs concernés qui sont bien plus étendus que ceux imposés par le Règlement 2006/2004 qui sera remplacé par le Règlement susvisé.

D’après l’Art. L.311-3 du Code de la consommation, les compétences du Bureau de liaison unique prévues par le Règlement 2006/2004 sont assumées par le Ministre ayant la protection des consommateurs dans ses attributions.

Concernant l’exercice des pouvoirs prévus par le Règlement, le Code de la consommation a opté pour la voie judiciaire (agents ayant la qualité d’officiers de police judiciaire).

Il s’en suit qu’à ce jour le Ministre (ainsi que le Commissariat aux assurances et le Ministre ayant la santé dans ses attributions) ne peut pas prendre des sanctions administratives ni même effectuer des perquisitions sans passer par la Justice, à l’exception de la CSSF (Art. L. 226-41) et de l’amende contraventionnelle en matière d’indication des prix (Art. L.112-9(1)).

En plus, sauf l’action en cessation, le Ministre ne peut saisir directement les tribunaux pour prononcer des sanctions mais ses agents doivent se limiter à dénoncer toute infraction au Parquet. Dans son avis du 2 juin 2009 sur le projet de Code de la consommation, le Conseil d’Etat rappela que « Il est de principe qu’un fonctionnaire, en constatant une infraction à la loi, doit dénoncer celle-ci au procureur d’Etat. Il ne lui appartiendra dès lors pas de transiger sur une infraction. Si un agent de police constate une infraction, il doit nécessairement dresser procès-verbal et communiquer celui-ci au procureur d’Etat…Le Conseil d’Etat estime que le ministre ne pourra plus agir si le procureur d’Etat a classé le dossier. De même, estime-t-il que le ministre ne pourra plus négocier dès qu’une instruction est ouverte dans le dossier ».

Faut-il rappeler l’observation désabusée du Gouvernement de l’époque : « à quoi bon prévoir des infractions pénales lorsqu’on sait qu’on peut prévoir que les plaintes seront très souvent classées sans suite ou les peines prononcées seront tellement insignifiantes qu’elles ne serviront ni à la prévention ni à la répression ».

Aujourd’hui les plaintes sont adressées à la Section financière et économique du Parquet, la « législation sur la protection du consommateur » n’étant qu’une des 19 (!) matières tombant sous sa compétence. Nous ignorons si le moindre usage a été fait de cette voie.

Pour l’ULC il est indiscutable que le régime de poursuites actuelles doit être fondamentalement révisé pour répondre utilement aux exigences du nouveau Règlement mais plus encore aux défis de ‘enforcement’, y compris les enquêtes, de plus en plus complexes découlant notamment de l’économie digitale, y compris l’intelligence artificielle. Preuve de cette prise de conscience : les autorités allemandes ont dégagé des ressources supplémentaires au profit des Verbraucherzentralen pour assumer le rôle de Marktwächter, notamment dans les secteurs du digital et des services financiers.

Par ailleurs, de plus en plus de pays ont regroupé avec succès le ‘enforcement’ en matière de concurrence et de protection des consommateurs. Dans son avis concernant le projet de loi relatif au blocage géographique ( document parlementaire N° 7366/3), le Conseil de la Concurrence souligne qu’il « est d’avis que le gouvernement devrait engager une réflexion concernant le regroupement des compétences relatives à la mise en œuvre des règles de concurrence et de la consommation au sein d’une même institution, à l’instar de nombreux autres Etats membres de l’UE. En effet, une telle consolidation contribuerait à améliorer davantage la protection du consommateur en permettant l’action administrative inspirée des compétences déjà dévolues au Conseil de la concurrence, soumise au contrôle juridictionnel ».

Dans son avis précité, le Conseil d’Etat nota que « le Conseil d’Etat doute qu’un consommateur soit davantage rassuré par une sanction administrative que par une sanction pénale. En effet, son souci premier est d’avoir réparation du préjudice subi ». Si cette observation est fondée, elle néglige d’établir le lien avec l’action collective en réparation devant le juge. La proposition de directive sur l’action représentative prévoit utilement que toute infraction établie définitivement par une autorité administrative doit pouvoir être invoquée lors d’actions en réparation, facilitant et accélérant d’autant ce recours. Nous nous référons à deux cas actuels, à savoir les condamnations administratives en Italie et aux Pays-Bas concernant le ‘Dieselgate’.

A défaut d’une telle réforme structurelle, l’ULC demande instamment de s’inspirer du moins du Code de la consommation français, plus particulièrement de ses Articles L.521-1 et -2 sur les injonctions de mise en conformité, l’Article L.522-1 sur la procédure de sanctions administratives et l’Article L.524-1 sur la saisine de la juridiction civile ou administrative.

Annexe

Howald, le 12 février 2019