PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DE L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE (Document parlementaire 7479)


- Avis de l’ULC –

Nous nous félicitons de la mise en place d’une Autorité de la concurrence indépendante avec des ressources renforcées mais regrettons que ses compétences se limitent essentiellement à la recherche et la sanction des violations des articles 4 et 5 de la loi relative à la concurrence et des articles 101 et 102 du TFUE.

Nous rappelons la recommandation du Conseil de la concurrence dans son Avis sur le projet de loi n° 7366 (blocage géographique) : « le Conseil est d’avis que le gouvernement devrait engager une réflexion concernant le regroupement des compétences relatives à la mise en œuvre des règles de concurrence et de la consommation au sein d’une même institution, à l’instar de nombreux autres Etats membres de l’UE. En effet, une telle consolidation contribuerait à améliorer davantage la protection du consommateur en permettant l’action administrative inspirée des compétences déjà dévolues au Conseil de la concurrence, soumise au contrôle juridictionnel. »

Cette recommandation qui reflète une demande de l’ULC, est illustrée par le président du Bundeskartellamt : « Das in anglo-amerikanisch geprägten Rechtsordnungen (UK, USA, Australien, Irland) verbreitete Modell einer kombinierten Wettbewerbs-und Verbraucherschutzbehörde erfreut sich auch in kontinental- europäischen Staaten (z.B. Italien, Niederlande, Ungarn, Finnland und Dänemark) zunehmender Beliebtheit… »[1].

Le meilleur exemple de l’efficacité de telles instances nationales est fourni par les amendes infligées par les autorités italienne et néerlandaise dans le cas VW « Dieselgate » en appliquant la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs (transposée dans le Code de la consommation).

L’interdépendance entre le droit de la concurrence et la protection des consommateurs attire une attention accrue face aux défis de l’économie digitale (« Problemsachverhalte aus der digitalen Welt können die private Rechts- durchsetzung vor erhebliche Erkenntnis- und Nachweisschwierigkeiten stellen. Die Funktionsweise von Algorithmen, im Hintergrund stattfindende Datentransfers oder der Umgang mit Bewertungen sind ohne behördliche Auskunftsbefugnisse nicht aufzuklären… », A.Mundt).

Notre avis sur le projet de loi 7456 portant mise en application du Règlement (UE) 2017/2394 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, note que les agents habilités au titre du Code de la consommation disposeront à l’avenir de certains nouveaux pouvoirs d’enquête et d’exécution en cas d’infraction qui ne vont pas révolutionner les principes rappelés dans l’avis du Conseil d’Etat du 2 juin 2009 sur le projet portant introduction d’un Code de la consommation : « Il est de principe qu’un fonctionnaire, en constatant une infraction à la loi, doit dénoncer celle-ci au procureur d’Etat. Il ne lui appartiendra dès lors pas de transiger sur une infraction. Si un agent de police constate une infraction, il doit nécessairement dresser procès-verbal et communiquer celui-ci au procureur d’Etat…Le Conseil d’Etat estime que le ministre ne pourra plus agir si le procureur d’Etat a classé le dossier…».

En clair, les pouvoirs administratifs sont et resteront limités et tributaires du judiciaire alors que l’expérience étrangère démontre qu’il faut donner du « mordant » [2] aux autorités administratives chargées de l’application du droit de la consommation à l’instar du droit de la concurrence.

L’ULC demande que dans un premier temps l’Art.8(1)(b) énumérant parmi les compétences « la réalisation d’enquêtes sectorielles… » soit précisé afin de permettre à l’Autorité d’effectuer des enquêtes sectorielles concernant la protection des consommateurs à l’instar de l’Allemagne (9. GWB-Novelle) : « Das Bundeskartellamt kann bei begründetem Verdacht auf gravierende Verstösse gegen verbraucherrechtliche Vorschriften, wie beispielsweise das Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (UWG) oder rechtliche Vorgaben für Allgemeine Geschäftsbedingungen, Sektoruntersuchungen durchführen. Sektoruntersuchungen richten sich nicht gegen bestimmte Unternehmen, sondern verfolgen den Zweck, Marktbedingungen vertieft zu erforschen…”[3] De telles enquêtes sectorielles se justifient notamment face aux complexités de l’économie digitale, les trois premières enquêtes allemandes concernant les portails de comparaison (Vergleichsportale), les Smart-TVs et les avis des consommateurs sur les plateformes de e-commerce.

L’ULC souhaite aussi que la Ministre de la Protection des Consommateurs tire les enseignements d’expériences étrangères regroupant les compétences d’application du droit de la concurrence et de protection des consommateurs, plus particulièrement l’Italie[4]  et les Pays-Bas[5] ainsi que de différentes études notamment en Allemagne.      

Howald, le 23.10.2019


[1] Andreas Mundt ‘Verbraucherschutz im Bundeskartellamt – Neue Befugnisse, Praxis und Agenda’ in WuW Nr.04, 05.04.2019

[2] « Mehr Biss beim Verbraucherrecht », Lebensmittelzeitung LZ 2.März 2018

[3] Communiqué de presse du 12.06.2017 du Bundeskartellamt

[4] Autorità Garante de la Concorrenza e del Mercato

[5] Authority for Consumers and Markets