Avis de l'ULC : Projet de loi portant modification du Code de la consommation (doc. parl. 6478) (16.10.2012)


1. L’ULC se félicite que le législateur est en avance sur le délai de transposition de la Directive 2011/83/UE droits des consommateurs qui n’expire que le 13 décembre 2013. C’est le grand mérite de l’existence du Code de la consommation qui offre dorénavant une base juridique stable permettant d’intégrer plus aisément des modifications provenant de l’Union Européenne ou du plan national.

2. L’ULC partage l’avis des auteurs du projet que les modifications rendues nécessaires par la directive rendront la lecture du Code plus difficile du fait de nombreux renvois et de la nécessité de lire conjointement des dispositions de portée générale s’appliquant à tous les contrats de consommation et des dispositions particulières. Ceci va à l’encontre de l’objectif initial du Code d’une meilleure lisibilité du droit de la consommation. Une bonne application du Code modifié exigerait même d’introduire dans le texte un nombre important d’autres précisions sur le sens exact de telle ou telle disposition. Le Commentaire des articles s’y attèle en reprenant non seulement les nombreux considérants de la directive indispensables pour comprendre la portée de tel ou tel article mais en y ajoutant de propres considérations fort utiles. Il s’en suit que les droits et obligations du Code modifié invoqués entre parties ou portés devant des instances extrajudiciaires et tribunaux en cas de litige, devront être interprétés à la lumière des dispositions du Code éclairées par les travaux préparatoires dont les considérants faisant partie intégrante de la directive relative aux droits des consommateurs.

3. La principale modification en profondeur concerne l’inclusion finalement de règles régissant les contrats hors établissement commercial L’actuel Code est muet sur les contrats hors établissement » précise le Commentaire des articles). Depuis fort longtemps l’ULC dénonce le caractère suranné de la loi de 1987 sur le colportage, les sollicitations etc. modifiée à maintes reprises mais toujours source d’insécurité juridique, notamment quant à la légalité et aux sanctions en matière de « home-parties ». L’ULC se félicite de l’abrogation de cette loi dépassée qui a été adoptée, d’ailleurs, essentiellement pour protéger le commerce sédentaire bien plus que pour protéger les consommateurs comme le confirment les documents parlementaires de l’époque. Sous la pression de la Commission Européenne qui y décèle une entrave injustifiée au bon fonctionnement du Marché intérieur, le projet lève l’interdiction du colportage et des sollicitations des consommateurs en la remplaçant par un nouveau régime distinguant entre, d’une part, les ventes de porte en porte et, d’autre part, toutes les autres ventes conclues ou initiées hors des établissements commerciaux habituels des professionnels. L’ULC est d’accord que les ventes de porte en porte (démarchage à domicile) méritent un traitement particulièrement restrictif dans la mesure où c’est souvent des « personnes âgées vivant d’une pension modeste » (cité du Commentaire) qui sont démarchées à domicile. Concernant ces ventes, un régime de « opt-out » est proposé. Pour pouvoir invoquer, le cas échéant, la nullité de son engagement, le consommateur doit « manifester son refus d’être démarché ou sollicité en apposant un autocollant, une vignette ou toute autre indication ad hoc sur la porte d’entrée de sa maison, de son appartement ou de l’entrée principale de l’immeuble dans lequel est sis son appartement ou ayant adhéré à une liste de consommateurs refusant tout démarchage ou sollicitation de commandes » (Art. L.222-8 (1)).

Il en découle a contrario que s’il n’a pas manifesté cette opposition avant qu’un démarcheur se présente chez lui/elle mais exprime seulement sa réticence sur le moment tout en se laissant persuader de passer commande, le consommateur ne pourra pas invoquer la nullité mais uniquement se rétracter dans un délai de 14 jours calendrier comme applicable à tous les autres contrats conclus hors établissement commercial. Le grand avantage de la nullité est qu’elle peut être invoquée sans restriction dans le temps ce qui constitue une protection efficace pour des personnes souvent vulnérables ignorant la possibilité et les conditions d’exercice du droit de rétractation. Concernant la liste de « opt-out », il est impératif qu’un Règlement grand-ducal précise qui gérera cette liste et quelles en sont les conditions d’accès et de publication pour que les professionnels concernés (souvent non établis dans notre pays) ne puissent invoquer en toute bonne foi leur ignorance de cette liste.

4. L’ULC se félicite que ce système de « opt-out » s’applique aussi en matière de démarchage à domicile par un prêteur ou intermédiaire de crédit (Art. L.122-7 (2)), mais demande instamment qu’il en soit de même en matière d’assurance. L’exemption par rapport à l’interdiction de démarchage accordée en son temps à ce secteur dans l’intérêt des agents d’assurance n’est plus de mise comme souligné dans notre avis sur le document parlementaire 6398 auquel nous renvoyons pour plus de précisions.

5. A part le démarchage à domicile au sens strict, le consommateur ne disposera pour les autres démarchages (lieux de travail, lieux publics ou dans les transports…) que du droit de rétractation mais non d’un système de « opt-out » ou « opt-in » comme confirmé pour « les sollicitations non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance » (Art. L.122-7 (3), Art. L.222-11). Tout en se félicitant et en marquant son accord quant à l’argumentation juridique relative à ces pratiques de sollicitation à distance (à savoir qu’il ne faut pas des sollicitations répétées, mais un seul « cold calling » peut suffire pour être considéré comme une pratique agressive donnant le droit d’invoquer la nullité en cas d’engagement contractuel ), l’ULC craint qu’il ne sera pas aisé de bien faire comprendre et respecter trois régimes différents, à savoir (a) « opt-in » (sanctionné par la nullité relative) pour des sollicitations par téléphone, télécopieur, courrier électronique, autre outil de communication à distance ; (b) « opt-out » (sanctionné par la nullité relative) pour le démarchage à domicile ; (c) simple droit de rétractation pour les autres sollicitations hors établissement.

6. La principale marge de manoeuvre laissée aux Etats membres par la directive qui poursuit une harmonisation complète (sauf exception) concerne les sanctions (sauf les quelques cas particulièrement graves sanctionnés directement par la directive) qui doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. L’ULC se félicite de la plus grande homogénéité des sanctions poursuivie par les auteurs du projet en considérant que la nullité relative qui ne peut être invoqué que par le consommateur lésé, constitue effectivement l’instrument adéquat. Il en est ainsi du non respect des informations essentielles à fournir par le professionnel, les instances de règlement extrajudiciaire et les tribunaux devant apprécier au cas par cas si tel est le cas.

7. Les auteurs du projet n’ont pas usé de la faculté laissée aux Etats membres d’introduire dans leur droit national des exigences linguistiques en matière d’information contractuelle. Il s’en suit, comme le précise le Commentaire des articles, qu’il incombera de décider en cas de litige si le consommateur n’a pas été en mesure de connaître les conditions générales d’un contrat préétabli et s’il doit, selon les circonstances, être considéré comme ne les ayant pas acceptées (Art. 1135-1 du Code civil). Comme le soulignent les auteurs du projet, il n’est pas exclu qu’un tribunal décide qu’un contrat /bon de commande/conditions générales rédigé dans une langue que le consommateur ne comprend pas, doive être considéré comme inopposable au consommateur. La jurisprudence actuelle illustre cependant qu’à de nombreuses reprises les tribunaux ont décidé que des personnes qui ne comprenaient pas le contrat rédigé dans une langue qu’elles ne maîtrisaient pas, étaient néanmoins tenues car elles n’auraient pas dû le signer si vraiment elles ne l’avaient pas compris.

L’ULC est donc d’avis que la sécurité juridique ne pourra qu’être renforcée en stipulant que les informations pré- et contractuelles des professionnels exerçant leur activité professionnelle dans notre pays ou y dirigeant leur activité par tout moyen (conformément à l’art. 6 du Règlement (CE) N° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles) doivent être rédigées dans une des langues usuelles dans notre pays.

8. Compte tenu que la bonne compréhension des définitions est essentielle dans l’intérêt général, l’ULC souhaite que l’art. 010-1 soit précisé en accord avec des considérants de la directive voire de la jurisprudence communautaire récente :

- « Consommateur » : « ………. ; lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne doit être considérée comme un consommateur » (considérant 17).

- « Support durable »:…… ; un site Internet dont les informations ne sont accessibles pour le consommateur qu’en passant par un lien présenté par le professionnel, ne peut être considéré comme un support durable » (arrêt CJUE du 5 juillet 2012 affaire C-49/11).

- « Enchère publique »: …… ; les plate-formes en ligne mises à la disposition des professionnels et des consommateurs ne sont pas à considérer comme une enchère publique » (considérant 24).

- « Contenu numérique » : « ….. ; si le contenu numérique est fourni sur un support matériel, il est considéré comme un bien au sens de l’Art.L.213-1 (1)) » (considérant19).

9. L’ULC souhaite également quelques autres modifications ponctuelles :

- Art. L.112-1 (1)e) : « outre le rappel de l’existence d’une garantie légale de conformité…. et de garanties commerciales telles que définies aux articles L.212-10 et L.212-11 (1)b du présent Code… ». Comme le montrent certains litiges récents (notamment action en cessation de l’ULC contre APPLE), il est impératif que la garantie commerciale informe explicitement le consommateur sur la durée de la garantie légale, autrement le consommateur risque d’être trompé sur la valeur de la garantie commerciale.

- Art.L.112-1 (3) k : « portant sur les services de transport de passagers sauf la location de voitures qui est soumise aux obligations d’information » (considérant 27).

10. L’Art.L.222-4 (3) « Les sites de commerce en ligne indiquent clairement et lisiblement, au plus tard lors du début du processus de commande, si des restrictions de livraison s’appliquent et quels moyens de paiement sont acceptés » est une disposition de la directive résultant d’un amendement proposé par l’ULC et voté par le Parlement Européen. Il serait opportun de rappeler que des restrictions basées sur la nationalité ou le lieu de résidence du consommateur, sans justification objective, constituent des pratiques discriminatoires interdites par l’article 20 de la Directive 2006/123/CE transposée par la loi du 24 mai 2011 relative aux services dans le marché intérieur (article 18).

11. Les auteurs du projet ont raison de souligner que la généralisation du délai de rétractation à 14 jours calendrier (y compris maintenant pour les ventes à distance) « est sans doute un des changements les plus importants apportés par la Directive et par le présent projet de loi . »

12. L’ULC marque son accord sur les autres propositions, notamment les dispositions relatives à la livraison (Art.L.213-2) et au transfert de risque (Art.L.213-4).

13. L’une des principales nouveautés en matière de contrat à distance, essentiellement le commerce électronique, est l’Art. L.222-4 (2) imposant que le professionnel prévoit un mécanisme facilement compréhensible (p.ex. un bouton ou avertissement précis) pour que le consommateur se rende compte qu’il passe une commande avec obligation de payer qui doit être immédiatement précédé des informations essentielles relatives aux biens ou services qu’il/elle achète. L’Allemagne qui a particulièrement insisté au niveau communautaire sur une telle garantie contre des pièges sur Internet faisant croire que des produits ou services sont offerts gratuitement, a déjà transposé et appliqué cette disposition depuis août 2012. Leur mise en oeuvre montre que dans un premier temps des controverses sur la manière d’exécuter ces obligations avec des actions en cessation risquent de surgir. Un dialogue constructif entre l’ULC et les chambres professionnelles devrait aider à prévenir ces accrocs.

Howald le 16 octobre 2012