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Démoralisante inflation

L’inflation pèse lourdement sur le moral des consommateurs. En effet, les consommateurs sont sévèrement pénalisés par la flambée des prix de l’énergie, des produits alimentaires et de nombreuses matières premières. Il n’est dès lors pas étonnant que les habitudes d’achat des consommateurs sont en train de changer. Passant outre la progression réelle des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, les consommateurs anticipent une diminution de leur pouvoir d’achat et réduisent leurs dépenses en conséquence. Les indices de confiance qui reflètent les attentes de la consommation vont descendre. La baisse de moral est nette, d’ailleurs accentuée par l’avenir incertain des marchés financiers. En outre, de nouvelles hausses des prix du gaz sont à craindre. Bref, les consommateurs ne se sentent plus en sécurité, d’autant plus où on ne voit pas où tout cela va s’arrêter. Mauvaise nouvelle donc pour l’économie luxembourgeoise qui en raison de nombreuses importations et assez peu d’exportations doit pouvoir compter sur la consommation afin de maintenir la croissance.

Ainsi, pour les grandes marques de produits alimentaires, la situation risque de devenir préoccupant. Les consommateurs privilégient de plus en plus les produits « maison » ou s’orientent carrément vers les « discounters ».

Il est difficile d’obtenir des chiffres concernant le volume des ventes au Luxembourg alors que les commerçants luxembourgeois sont, pour des raisons qui les regardent, récalcitrants à en fournir.

En ce qui concerne l’inflation, quelques constats de nature économique sont à faire : la flambée des prix à laquelle l’Europe assiste pour l’instant n’est pas due à une demande trop forte opposée à une offre insuffisante, sauf pour certaines matières (bois, composants électroniques….). Ce type d’inflation ne touche qu’un nombre limité de pays en développement accéléré. D’aucuns affirment que l’inflation actuelle n’est pas due non plus à la mise en circulation d’une quantité d’argent trop conséquente au vu de l’économie réelle. Je ne partage ce constat qu’à moitié alors que les quantités de monnaie injectées par la Banque Centrale Européenne dans les circuits économiques depuis l’introduction de l’euro sont conséquentes. Il ne faut donc pas confondre crise de liquidité et crise de solvabilité. Tôt ou tard, la BCE devra tenter de retenir le crédit par des taux d’intérêts plus élevés, ce qui risque d’ailleurs de créer des problèmes à un certain nombre de ménages.

Qu’en est-il du pouvoir d’achat des consommateurs ? Des explications quant au mode de calcul sont nécessaires. En effet, l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des consommateurs est lié au résultat de la comparaison entre l’évolution des dépenses et l’évolution des recettes, sous le coup de l’inflation. Il est évident que pour chaque consommateur, cette évolution se présente d’une façon différente. Les salaires sont-ils modulés par l’indice à l’inflation ou non ? Au Luxembourg, les salaires sont indexés, heureusement. Pour un épargnant, l’impact sur son pouvoir d’achat sera négatif si les revenus du capital proviennent de produits d’épargne qui ne sont pas indexés sur l’inflation. A l’inverse, un consommateur qui a signé un emprunt à taux fixe peut être gagnant en temps d’inflation par rapport à un consommateur qui a emprunté à taux variable dans l’hypothèse où le taux d’emprunt directeur va augmenter. Un ménage à revenu modeste dont plus de 50 % des recettes disponibles vont être décaissées pour l’alimentation ressentira beaucoup plus l’inflation qu’un ménage qui ne doit investir que 10 % ou 20 % de ses revenus dans les denrées alimentaires.

Finalement, le Luxembourg doit importer plein de choses de l’étranger. Alors que les prix grimpent partout, l’inflation est importée. Le risque d’une régression dangereuse de la consommation est réel. Il reste à espérer qu’une sorte de consentement tacite sur les prix, donc leur acceptation, qui, le cas échéant, passe à travers une révision des marges bénéficiaires, va s’installer entre consommateurs et commerçants au Luxembourg. L’alternative serait de ne rien faire jusqu’à ce que les consommateurs disent carrément non et s’orientent durablement ailleurs. Devoir en arriver là serait plutôt stupide.

Il faut revendiquer aussi que les responsables des communes ne chauffent pas l’inflation par des prix et taxes démesurés.

Guy Goedert
Directeur

21/02/2022