Réparabilité des produits et pièces détachées – quoi de neuf ?


Les pays du BENELUX lancent une étude sur les possibilités de prolonger le cycle de vie des produits de consommation en définissant des critères de réparabilité. Ces critères seraient applicables dans tout le Benelux. Concrètement, l’étude d’une durée maximum d’un an vérifiera quelles pièces d’un appareil sont susceptibles d’être réparées d’un point de vue technique et économique. Par exemple, précise le communiqué du Benelux du 1 mars, le tambour des machines à laver doit pouvoir être remplacé simplement, et ce en respectant les mêmes critères de qualité.

L’étude examinera quelles pièces prolongent effectivement le cycle de vie, sont applicables pratiquement pour l’industrie et comment des contrôles (méthodes de test) peuvent être effectués par les autorités de contrôle. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une directive Benelux relative à la mise en pratique de l’économie circulaire signée en décembre 2016. Les trois pays souhaitent jouer un rôle moteur au sein de l’Europe qui elle tarde à concrétiser ses engagements. Preuve en est l’adoption le 30 mai en commission du Parlement Européen d’un rapport d’initiative fort édulcoré sur une durée de vie plus longue des produits. Le Rapporteur, Pascal Durand du Groupe des Verts, a beau souligner que « l’UE n’a jamais pris de position globale sur la durée de vie des produits avant ce rapport », les recommandations de compromis restent peu engageantes. Ainsi, « les pièces qui sont essentielles au fonctionnement du produit devraient pouvoir être remplacées et réparées ; les parties essentielles telles que les batteries et LED ne devraient pas être fixées au produit, à moins que cela ne soit justifié pour des raisons de sécurité » ou encore « les pièces de rechange qui sont essentielles au fonctionnement du produit devraient être disponibles à un prix proportionné par rapport à la nature et la durée de vie du produit ; les opérateurs économiques devraient indiquer clairement quelles pièces de rechange sont disponibles ou non, à quelles conditions et pour quelle durée ».

Reste à espérer que l’initiative du Benelux montre la voie quant au volet « droit à la réparabilité des produits » souhaité par le Rapporteur du Parlement Européen. L’étude –l’analyse des offres des soumissionnaires est en cours et la décision d’adjudication devrait tomber d’ici quelques semaines- devrait utilement s’appuyer sur une autre étude sollicitée par le Gouvernement belge dont les résultats ont été rendus publics en mai : « L’obsolescence programmée : politiques et mesures belges de protection du consommateur »1. Cette analyse fort détaillée passe notamment en revue les différentes catégories de produits que sont le gros électroménager (GEM), le petit électroménager (PEM), les produits gris (informatiques et multimédia) ou ICT (information and communication technologies) et les produits bruns (téléviseurs, autres produits radio) en répertoriant leurs durées de vie, les principales causes de pannes et la durée de disponibilité des pièces détachées. Cette étude examine la faisabilité de différentes mesures obligatoires ou volontaires (comme des labels). Concernant l’affichage de la réparabilité des produits, les critères peuvent être la démontabilité, la disponibilité des plans des produits et la disponibilité des pièces détachées. Il est rappelé que le Gouvernement autrichien a développé une norme-label volontaire qui définit des critères de réparabilité et permet de qualifier le niveau de réparabilité des produits bruns et blancs (ONR 192102). Hélas, aucune information n’est disponible sur l’efficacité et la fréquence d’utilisation de la norme alors qu’elle pourrait servir de base. Pour les consultants, la définition de critères et des procédures pour chaque catégorie est faisable malgré des difficultés, mais elle « demande une volonté politique forte ». Concernant l’affichage de la durée de disponibilité des pièces détachées, la durée affichée est un engagement contractuel. Cette mesure « a été mise en place en France mais il semble que son efficacité soit limitée car les dispositions de mise en œuvre sont peu restrictives » notent les auteurs de l’étude. Et pourtant, cette information « semble être pertinente pour les produits avec une longue durée de vie, typiquement les GEM, et des enjeux de disponibilité des pièces, typiquement les PEM ». En France où la mesure a été introduite par un décret du 9 décembre 2014 relatif aux obligations d’information et de fourniture concernant les pièces détachées indispensables à l’utilisation d’un bien, « 60 % des distributeurs n’affichent pas l’information car ils ne disposent pas de l’information ou que les fabricants ne proposent pas de pièces détachées. De plus, l’affichage n’est pas standardisé, l’information peut être présentée différemment selon les produits ». A titre d’exemple, la société APPLE inclut l’information suivante dans sa notice sur la « Garantie légale du vendeur et les pièces détachées » sur son site http ://store.apple.com/fr : « En France, les pièces détachées qu’Apple met à disposition sur le marché et qu’elle considère indispensable à l’utilisation des biens seront disponibles pendant 5 ans ».

Il existe donc déjà l’une ou l’autre mesure nationale favorisant la réparabilité et la disponibilité des pièces détachées dont les pays du Benelux pourront s’inspirer en précisant les modalités d’affichage. Les auteurs de l’étude belge insistent à juste titre que « la donnée doit être directement accessible au client, soit sur l’étiquette à côté du prix, soit sur l’emballage ». En attendant la nouvelle étude du Benelux et ses suites éventuelles, les trois Gouvernements sont invités à défendre une position commune en matière de révision de la Directive 1999/44/CE concernant les garanties de vente des biens de consommation, à savoir que pendant les 2 années suivant la livraison du bien au consommateur tout défaut est présumé avoir existé au moment de la livraison de sorte que le consommateur n’a aucune preuve à apporter sauf montrer que le bien ne fonctionne pas correctement. De même, si l’économie circulaire et la prolongation de la durée de vie des appareils leur tiennent réellement à cœur, les gouvernements belge, luxembourgeois et néerlandais doivent refuser que la garantie légale soit limitée partout en Europe à 2 ans ce qui constituerait une régression par rapport aux droits nationaux de nos 3 pays. Les prochains mois permettront donc déjà de juger si la durabilité des produits de consommation est concrètement défendue par le Benelux au niveau communautaire lors de la révision de cette directive.

1 Etude de 228 p. effectuée par RDC Environnement SA www.rdcenvironment.be