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Actualités européennes dans le domaine de la finance : l'éternelle bataille de David contre Goliath ?

Neuf textes européens protègent les consommateurs dans le secteur financier, mais leur révision récente varie en faveur ou non des consommateurs. Face à des règles complexes et un marché concurrentiel, leurs intérêts doivent rester une priorité.
05 mars 2025
© fizkes / Shutterstock.com

Neuf (9) textes européens visent explicitement la protection du consommateur (sur plus de quatre-vingts (80) textes applicables à tout le secteur financier) et font récemment l’objet de révision plus ou moins favorable. Dans ce labyrinthe des réglementations et face aux velléités toujours plus lucratives des professionnels dans un domaine particulièrement concurrentiel, les intérêts des consommateurs, premiers destinataires et financeurs des services, ne devraient pas rester à la marge.

Utiliser toutes les options (législatives) à disposition pour atténuer les conséquences délétères des crédits.

Au menu de ce grand marathon des réformes européennes dans le domaine de la finance, est à souligner d’abord la nouvelle Directive (UE) 2023/2225. Elle révise les règles relatives aux contrats de crédits aux consommateurs et est à transposer en droit luxembourgeois au plus tard le 20/11/2025 (ou 2026 selon les dispositions concernées).

L’ULC a rédigé (et publié sur son site internet), entre autres documents à ce sujet un « Catalogue de recommandations à la transposition » : y sont listées les nombreuses options réglementaires à portée de main du législateur luxembourgeois pour améliorer la protection des consommateurs.

 

© Przemek Klos / Shutterstock.com

 

La Directive aborde en effet toute une panoplie de sujets parmi lesquels l’ULC aimerait voir prioriser :

  • la couverture de tous les types de crédits (y compris les cartes de débit à paiement différé ou avec dépassement),
  • la fourniture d’informations (pré-)contractuelles digestes pour le consommateur (par exemple avec des fiches particulières),
  • la limitation des frais/coûts de remboursement (anticipé),
  • la limitation stricte des données personnelles traitées,
  • la création d’un droit d’indemnisation individuel pour le consommateur lésé,
  • la création d’une base de données des crédits au Luxembourg, etc.

 

Parallèlement, on ne peut ignorer la recherche croissante des consommateurs vers des solutions de financement toujours plus flexibles. Sont ainsi en plein essor :

  1. les outils d’évaluation instantanée/automatique de dossier grâce au déploiement de l’intelligence artificielle ;
  2. les dispositifs BNPL (« Buy Now Pay Later ») et les portefeuilles numériques (comme Apple/Google Pay) qui boostent la fidélisation client et les achats impulsifs ; et
  3. les « super-apps » qui combinent paiements et services variés (livraison, covoiturage, gestion des dépenses) afin de renforcer l’engagement client.


Ces instruments, qui ne sont d’ailleurs que peu/pas couverts par la nouvelle Directive susvisée, permettent un accès (trop) rapide et parfois presque inconscient au crédit, et ouvrent la porte au risque sous-jacent du surendettement.

Une autre révision nécessaire, et tout aussi importante pour les consommateurs, serait par ailleurs celle de la Directive (UE) 2014/17 relative aux crédits hypothécaires. Sa révision initiée en 2021 a pourtant été suspendue en décembre dernier.

Une fois n’est pas coutume, dans ce domaine, la France a implémenté des mesures intéressantes, qui pourraient d’ailleurs être dupliquées pour les crédits non-hypothécaires (par ex. l’interdiction de domicilier les revenus de l’emprunteur dans la banque prêteuse s’il n’y a aucune contrepartie1, le changement facilité d’assureur emprunteur, etc.).

Donner la pleine maitrise (documentée et opérationnelle) au consommateur des contrats conclus.

La nouvelle Directive (UE) 2023/2673 concerne pour sa part les contrats de services financiers conclus à distance et est à transposer en droit luxembourgeois au plus tard le 19/12/2025 (ou 19/06/2026 selon les dispositions concernées).

Elle prévoit notamment deux séries de mesures phares :

1. La limitation des frais injustifiés ou de surfacturation :

  • les frais facturés pour l’utilisation d’un moyen de paiement ne doivent pas être supérieurs au coût supporté par le professionnel ;
  • les appels ne peuvent pas être surtaxés si un consommateur veut se renseigner et/ou faire une réclamation à propos d’un contrat
  • les cases pré-cochées sont interdites sur les bons de commandes pour des services supplémentaires payants, etc.


2. L’introduction d’un « bouton de rétractation », facile à trouver, que les professionnels doivent introduire pour tous les contrats conclus à distance (et pas seulement pour des services financiers).

 

© fizkes / Shutterstock.com

 

Toutes ces nouvelles dispositions étaient bien nécessaires mais pourraient encore être renforcées.

En effet, si la digitalisation des contrats facilite effectivement l'accès des consommateurs à des produits et services (financiers), ces derniers restent souvent confrontés à des interfaces truquées (les fameux « dark paterns ») à la limite de la légalité. Les contrats proposés peuvent également être peu clairs, interminables voire trompeurs et il est difficile, une fois signés, de s’en rétracter ou de les résilier.

L’ULC suggère dans ce cadre depuis longtemps la mise en place d’un bouton pour la résiliation des contrats à reconduction (automatique) (« Kündigungsbutton » déjà en place avec succès en Allemagne depuis juillet 2022). Elle exhorte par conséquent le législateur luxembourgeois à saisir l’occasion de l’exercice de transposition de cette Directive pour procéder à l’ajout.

Assurer enfin la sécurité systémique des opérations bancaires.

Non négligeable pour le porte-monnaie toujours plus serré des ménages, l'entrée en vigueur du nouveau Règlement (UE) 2024/886 sur les paiements instantanés est a priori bienvenue.

En effet, depuis ce 09/01, il oblige les prestataires de paiement à ne pas facturer plus de frais pour les paiements instantanés que pour les virements réguliers. En outre, les prestataires qui ne proposent pas encore de paiements instantanés doivent permettre à leurs clients de les recevoir, puis, en automne prochain, de les envoyer et de vérifier le bénéficiaire prévu.

On devine le risque d’augmentation des fraudes lié à cette généralisation des paiements instantanés, alors que dans de nombreux pays de l’UE (y compris le Luxembourg), les transactions de paiement ne sont vérifiées qu’à l’aide du numéro IBAN du bénéficiaire. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont pourtant mis en place des mesures de vérification des noms qui avertissent l’expéditeur lorsque le nom du bénéficiaire ne correspond pas au numéro de compte fourni, et qui auraient permis notamment aux Pays-Bas de réduire de plus de 80% les cas de fraudes ! Pourquoi alors même attendre pour introduire de telles règles à l’échelle de l'UE?

Une proposition de nouvelle Directive2 révise pour sa part les règles relatives aux services de paiements. Elle ne résout malheureusement pas le problème actuel principal rencontré par les consommateurs en cas de fraude, à savoir le refus des banques de rembourser les montants volés.

En effet, si le consommateur a commis une négligence grave (très souvent présumée par les banques si ce dernier a volontairement communiqué ses identifiants/validé le paiement frauduleux sous l’emprise des fraudeurs), la législation permet un tel refus. La charge de la preuve repose pourtant sur les banques mais ces dernières3 font vite l’amalgame avec la simple négligence, ou ignorent tout simplement les jurisprudences (notamment françaises4) qui ont pourtant confirmé à maintes reprises leur obligation de remboursement…

Au-delà du système de responsabilité originel, devrait maintenant également s’imposer :

  • Un devoir de vigilance des banques pour l’implémentation d’approches risques ciblées compte-tenu du profil du client (âge, historique des bénéficiaires et des montants, etc.)5.
  • Des moyens techniques réellement préventifs, dont la vérification nominative des IBAN évoquée ci-dessus, le partage obligatoire entre banques des IBANs utilisés dans des cas de fraudes, des options de fonctionnalité donnée au consommateur6 (pour fixer des limites de dépenses non-modifiables ou seulement après une certaine durée, pour retarder les virements en cas de nouveaux bénéficiaires, etc.) ;
  • Des voies de recours efficaces, notamment l’obligation pour les banques de participer au règlement extrajudiciaire des litiges, leur soumission aux règles et compétences de l’état membre dans lequel elles proposent leurs services, la coordination du traitement des plaintes transfrontalières par l'Autorité Bancaire Européenne (ABE), etc.


On ne peut en effet plus raisonnablement reprocher aux consommateurs de « tomber » pour des fraudes qui ne vont que croissantes en ingéniosité et crédibilité (cf. les cas récents de « spoofing » ou appel du faux conseiller bancaire en recrudescence au Luxembourg ces derniers mois) ni lui en imposer la charge (qui se compte souvent en plusieurs dizaines de milliers d’euros).

Au final, on voit bien que l’Europe essaye de se montrer à la hauteur des avancées du monde de la finance, mais les rouages (surtout législatifs) peinent souvent à tenir le rythme… D’autres thématiques nouvelles, voire progressistes, sont sur la place, telles l'Euro numérique, la Banque/Finance ouverte ou encore la littératie financière, et seront abordées en détails dans un prochain numéro.

  1. Commission des clauses abusives française, Recommandation N°04-03, Prêt immobilier, BOCCRF du 30/09/2004, Point D) « Domiciliation des revenus ».
  2. Proposition dite « PSD3 », publiée par la Commission européenne le 28/06/2023.
  3. Cf notamment en France : Refus de remboursement des fraudes bancaires - L’UFC-Que Choisir dépose plainte contre 12 banques - Action UFC-Que Choisir - UFC-Que Choisir
  4. Cf. notamment Arrêt de la Cour de cassation française du 23/10/2024, no 23-16.267.
  5. Cf. 2 arrêts de la Cour de cassation française du 15/01/2025, n° 23-13.579 et 23-15.437.
  6. Cette idée est également reliée par le Bureau Européen des Consommateurs (BEUC – dont l’ULC est membre fondateur) dans sa dernière « Factsheet - It’s time to tackle payment fraud at a systemic level » datée Février 2025.

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