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Économie et politique

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Le recours collectif en pratique

La nouvelle loi sur le recours collectif, en vigueur depuis le 25 novembre, permet à l’ULC de devenir entité qualifiée et d’agir pour les consommateurs. Procédure, médiation et coûts sont encadrés.
12 décembre 2025
© Alexander Supertramp / Shutterstock.com

La loi introduisant le recours dans l’intérêt collectif des consommateurs dans notre pays a été publiée le 21 novembre et est entrée en vigueur le 25 novembre. La Direction de la protection des consommateurs (DPC) met à disposition du public un site expliquant en détail la procédure en l’accompagnant d’une vidéo informative (www.recourscollectif.lu).

Cette nouvelle loi permettra à l’ULC de solliciter l’agrément ministériel la désignant comme « entité qualifiée ». Ce statut lui permettra d’introduire une action devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg voire devant les juridictions d’autres Etats membres « lorsqu’il y a atteinte aux intérêts individuels de plusieurs consommateurs placés dans une situation similaire ou identique subissant un dommage causé par un même ou plusieurs professionnels ayant pour cause commune un manquement à ses obligations légales », primordialement un non-respect du Code de la consommation mais aussi de toute une panoplie de Règlements et Directives européens comme la protection des données personnelles. Les préjudices les plus fréquents, à en juger par l’expérience des pays voisins, sont les suivants :

  • sommes indûment prélevées, telles que des frais bancaires injustifiés,
  • achat de produits défectueux ou non conformes,
  • application de clauses abusives dans des contrats d’abonnement (téléphonie, internet, fournisseurs d’énergie,…),
  • surfacturation ou pratiques commerciales trompeuses,
  • remboursement de prestations non fournies comme des spectacles.


Comment se déroulera concrètement le recours collectif et quelles en sont les charges administratives et financières pour l’ULC comme entité qualifiée ?

Si nous disposons d’une pluralité de plaintes concordantes qui ne peuvent être réglées directement, l’ULC « fournit des informations, en particulier sur son site internet, concernant les recours collectifs qu’elle a décidé d’intenter. » Aucun nombre minimum de cas individuels n’est exigé par la loi, mais plus il y a de cas identiques ou similaires, plus il sera facile d’obtenir un jugement de recevabilité de l’action. Il s’agit de la première phase procédurale, le tribunal ne jugeant pas sur le fond de l’affaire mais sur le caractère plausible de la cause invoquée par l’entité qualifiée. Important de savoir : le consommateur qui ne s’est pas manifesté à ce stade, ne sera pas privé de sa demande ni de son droit à réparation. Le recours profitera à tous les consommateurs lésés qu’ils soient membres ou non de l’ULC et qu’ils résident ou non dans notre pays.

Faiblesse majeure de notre loi : elle ne s’inspire pas de la loi belge qui a introduit la procédure de débats succincts permettant au juge de traiter rapidement cette phase de recevabilité dans un délai maximum de six mois. Nous craignons que la phase de recevabilité traîne en longueur surtout si l’entreprise poursuivie invoque tous les moyens de droit et de procédure pour retarder le jugement avec un appel dans les 40 jours de la notification du jugement.

 

© Olivier Le Moal / Shutterstock.com

 

La médiation au centre du dispositif

Pour éviter que les recours collectifs restent des actions judiciaires interminables et fort coûteuses à l’image de l’expérience des pays voisins, notre législateur a mis au centre du dispositif la médiation judiciaire (le juge invite les parties à l’intenter) et extra- judiciaire (conventionnelle entre les parties). Seuls des médiateurs agréés, des prestataires d’autres Etats membres …et surtout le Médiateur de la consommation peuvent être désignés. Ce dernier choix est le plus intéressant car ses services sont gratuits au même titre que sa médiation en matière de litiges individuels.

Si la médiation est couronnée de succès, l’accord est soumis à l’homologation du tribunal qui le rend exécutoire au même titre qu’un jugement. C’est à ce stade que les consommateurs lésés sont invités à manifester leur adhésion à l’accord obtenu selon les modalités et conditions convenues entre les parties et en produisant les documents ou éléments de preuve nécessaires au soutien de leurs demandes individuelles.

Ces demandes individuelles d’indemnisation ou d’autres remèdes comme des réparations en nature, doivent être envoyées à un liquidateur nommé par le juge dont les frais et émoluments sont supportés par l’entreprise. C’est donc au liquidateur qu’incombe cette charge administrative de collecte et de vérification du bien-fondé des demandes individuelles qui peuvent être nombreuses et complexes selon les cas.

Si la médiation échoue, le tribunal prononcera un jugement sur la responsabilité de l’entreprise au vu des cas individuels soumis lors de l’introduction du recours. Il définit le groupe de consommateurs concernés, fixe les critères de rattachement, détermine les catégories de préjudices, leurs montants indemnitaires ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices. Il décide aussi si tous les consommateurs en profitent (sauf s’ils manifestent leur volonté d’être exclus/système de opt-out) ou seulement ceux qui manifestent leur opt-in.

C’est de nouveau au liquidateur qu’incombe la charge administrative de gestion aux frais du professionnel. Les mesures de publicité du jugement et d’information des consommateurs sont à charge du professionnel. L’entité qualifiée (ULC) doit aussi informer le public de l’état d’avancement des phases de procédure et des résultats obtenus. De même, les jugements sont publiés sur le site du ministère en charge de la protection des consommateurs.

La question des coûts

En conclusion, pour l’ULC l’écueil sont essentiellement les frais d’avocats et d’experts techniques ou autres. Citons le Conseil d’Etat : « le fait que les frais d’avocats et d’experts pourraient in fine être mis à charge de la partie qui succombe n’enlève rien au fait que toutes les dépenses et frais devront en principe être avancés par le représentant du groupe. Le fait de devoir avancer de tels frais potentiellement élevés en fonction de la nature du recours collectif concerné peut constituer un obstacle à l’introduction d’un tel recours en l’absence de mise en place d’autres mesures comme le soutien structurel aux entités qualifiées ou l’accès à l’aide juridictionnelle. Le problème est exacerbé par le fait que les frais d’avocats ne sont pas systématiquement et intégralement mis à la charge de la partie qui succombe... Se pose également la question du caractère réaliste du financement par un tiers de recours en matière du droit de la consommation, au vu, dans un tel cas, de l’application inévitable d’une logique de gestion financière des aléas juridiques et compte tenu de la probabilité de la taille relativement limitée des groupes de consommateurs dans un pays tel que le Luxembourg. »

En adoptant à l’unanimité la loi, la Chambre des députés a adopté en plus une motion demandant au gouvernement un rapport dans cinq ans examinant le nombre et la nature des recours introduits, la durée moyenne des procédures, les résultats obtenus pour les consommateurs, l'efficacité des dispositifs de médiation, les difficultés rencontrées par les juridictions et les entités qualifiées.

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